La poésie est perçue comme un genre littéraire ancien. En général, il vous fait naviguer à travers d’innombrables sensations. Sachez que les spécificités et les caractéristiques du genre poétique ont été approfondies pour la première fois par le célèbre Gérard Genette.

Les spécificités du genre poétique

 

Étymologiquement, le genre poétique désigne les mots « création » et « production ». Conformément à cette définition, le poète a comme mission la création et l’invention d’un univers paradoxal. Pour ce faire, il utilise des mots significatifs qui peuvent connoter plusieurs réalités.
Selon Gérard Genette, la poéticité d’un texte réside dans sa faculté de figer un instant axé dans le temps. L’auteur peut utiliser diverses procédures pour exprimer un message ou un ressenti.

 

Les caractéristiques du genre poétique

 

Sachez que le mode de conception du genre poétique varie en fonction des auteurs. Jusqu’à présent, on a pu dégager cinq formes de discours qui peuvent être intégrées dans un poème.

  • La narration
    Les lignes d’un poème peuvent raconter une histoire d’amour, un fait divers ou autres. C’est grâce à l’association de la narration et des vers qu’est née la « poésie en prose ». Sa définition fut amplifiée à mainte reprise dans les œuvres de Molière.
  • La description
    C’est un style de discours que vous pouvez fréquemment retrouver à travers les œuvres de Victor Hugo. Son intitulé « Les Fleurs du mal », fait office de plusieurs poèmes à description.
  • L’explication                                                                                                                                                                    Certains auteurs l’utilisent afin d’expliquer le dénouement d’un sentiment, ses origines et sa fin.
  • L’argumentation                                                                                                                                                                         A priori, il sert à amplifier les effets du poème.
  • Le dialogue                                                                                                                                                                              C’est une procédure très pratiquée vers le milieu du 18e siècle.

Outre ces procédures de conception, le genre poétique joue sur le rythme et la sonorité. Afin de figer un instant précis dans le temps, le poète utilise les onomatopées.

 

Les diverses formes d’un poème

 

Les éminents écrivains se servaient du sonnet pour exprimer son ressenti.
Le sonnet
C’est un poème composé de deux quatrains et deux tercets soit un poème de quatorze vers

Un  calligramme  est un poème agencé de façon à former un dessin lié à un thème. La disposition visuelle peut reposer sur une utilisation spécifique de la police de caractères, de l’écriture manuscrite ou de la calligraphie. Au gré du poète, des lignes de texte incurvés et non parallèles, ou encore des paragraphes dont la forme est particulière peuvent être crée. La représentation visuelle par les mots traduit ainsi le sujet traité ou un élément qui y est étroitement associé. Elle peut aussi, volontairement, être en contradiction avec le texte ou induire en erreur.

Guillaume Apollinaire Calligramme

Le calligramme et les cultures.

Tout au long de l’histoire, les calligrammes ont été un moyen d’expression pour les artistes dans de nombreuses cultures et civilisations.

La calligraphie islamique a été l’une des premières formes d’art du mot, car les caractères étaient écrits à la main d’une manière très artistique. Cette forme d’art est vénérée dans le monde islamique parce que l’art transmet souvent son héritage religieux. Dans l’islam, la représentation visuelle de la divinité est interdite. Les personnes chargées d’écrire et de transmettre les textes religieux ou sacrés ont donc trouvé dans les calligrammes une autre façon d’orner les livres et les manuscrits.

calligramme

La micrographie est la forme juive de l’art des mots, et elle a été développée autour du neuvième siècle. Elle a la même fonctionnalité qu’un calligramme moderne en ce sens qu’elle utilise les lettres pour créer différents motifs. Ces dessins sont généralement des représentations abstraites et géométriques de différentes idées abordées dans le texte lui-même.

Les exemples de calligramme

L’un des exemples les plus célèbres de calligramme  se trouve dans l’œuvre du poète français Guillaume Apollinaire. Il a écrit une série de poèmes sur les calligrammes qui l’ont rendu célèbre. Le volume contenant ces poèmes a été baptisé Calligrammes. Son poème connu qui imite la forme de la tour Eiffel est probablement l’un de ses calligrammes les plus populaires.

La poésie concrète, également connue sous le nom de poésie visuelle, est une forme d’art et de littérature dérivée des calligrammes d’Apollinaire. La disposition des mots et l’aspect visuel du poème sont tout aussi important que le contenu. De plus, la forme visuelle du poème peut être liée aux autres éléments du poème, y compris le sens des mots, la rime ou le rythme.

La calligraphie de nos jours

L’art du  calligramme  est devenu populaire grâce à la technologie et à internet. Tout le monde peut aujourd’hui  créer et partager des calligrammes avec le monde entier. Cette forme d’art a  évolué avec les moyens modernes de communication. Les amateurs peuvent trouver des calligrammes conçus graphiquement avec différentes couleurs, personnages et animations. La technologie a permis aux individus de s’exprimer artistiquement de différentes manières grâce aux calligrammes.

Un sonnet est un petit poème codifié comportant quatorze vers composés de deux quatrains et de deux tercets, rimés en fonction d’une formule bien établie. En poésie française, le sonnet est très utilisé par les célèbres poètes. On recense en littérature  plusieurs type de sonnets : le sonnet français, le sonnet italien, le sonnet madrigalesque ou sonnet madrigal (qui est une sorte de sonnet de plus de quatorze vers)…

un sonnet est parfois perçu comme une chanson ou une mélodie. Mais est-ce vraiment le cas ?

Tout sur le sonnet

Le mot « sonnet » apparu aux alentours du XVIe siècle soit en 1536, vient du mot latin « sonare » qui signifie « sonner » et en italien « sonetto » qui veut dire « son ». C’est la raison pour laquelle le sonnet évoque une sorte de mélodie ou  chanson  poétique. Plusieurs poètes célèbres à l’instar de Pétrarque, Ronsard, Baudelaire, Verlaine, … l’utilisaient dans leurs recueils pour façonner l’art poétique de la plus belle des manières.

Par ailleurs, il faut reconnaître que le sonnet est introduit dans la poésie française au 16e siècle grâce à Joachim Bellay et Clémence Marot.Toutefois, Pierre de Ronsard est l’un des pionniers du sonnet à l’époque très peu répandu en France. Le poète français voit le jour en 1524. Il est à l’origine de plusieurs poèmes connus, notamment « Quand vous serez bien vieille », publié quelques années avant sa mort en 1585. Ce sonnet extrait de son recueil « sonnets pour Hélène » est un poème qui de manière explicite témoigne de son amour profond pour Hélène, et du risque qu’elle court, si jamais, elle vient à s’opposer à ses avances.

Le sonnet est ainsi utilisé par les poètes pour donner du style, traduire les émotions.  L’art poétique à travers les vers et les rimes devient plus que vivant. C’est pour cette raison qu’on dit de la poésie, qu’elle touche directement le cœur et l’âme de ceux qui l’écoutent et la lisent.

Structure du sonnet

 Le sonnet doit comprendre quatorze vers dont deux quatrains et deux tercet ; le tout dernier vers est appelé « chute ». Le mètre (alexandrin) doit être identique. Pour la structure : C’est un jeu d’alternance entre les rimes masculines et féminines  
•   ABBA ABBA CCD EED 
•  ABBA ABBA CCD EDE 
Par ailleurs, de nombreux autres sonnets ont vu le jour au fil des années. C’est le cas du sonnet madrigalesque (une sorte de sonnet de plus de quatorze vers,  différent des formes traditionnelles), sonnet Dantesque, sonnet en écho, sonnet de style arabe etc…

 

Quand vous serez bien vieille

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
“Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.”

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578

 

Les styles littéraires des poètes français ont évolué à travers le temps. Certains ont grandi pour prôner le romantisme tandis que d’autres le surréalisme. Les œuvres poétiques sont également nombreuses à défendre une cause ou un sujet qui tient à cœur l’écrivain.

L’objectif du poème

Le poème est un style d’écriture qui cherche à émouvoir et attendrir le lecteur sur divers sujets. Concrètement, l’objectif de l’œuvre est d’influencer les lecteurs à se positionner sur un sujet précis. À cet effet, le lecteur aura les mêmes points de vue que l’auteur sur un sujet politique, la guerre, la religion ou la misère sociale. Cela implique qu’il sera emmené à défendre un point de vue, réfuter une thèse ou soutenir la même cause que l’auteur.

Le poème pour la défense d’une cause

Pour faire passer le message ou rallier le lecteur à sa cause, la poésie engagée utilise les mots à bon escient. De plus, les lecteurs doivent entendre de la musicalité à travers les œuvres. Plusieurs poètes ont utilisé le style littéraire dont le plus connu est Victor Hugo. L’écrivain a dénoncé la misère sociale liée à l’industrialisation sous la reine de Napoléon III. Cela a même conduit à son exil vers Bruxelles en 1851. L’écrivain a aussi défendu à travers ses œuvres le travail des enfants dans « Melancholia » en 1856 ou le combat contre la peine de mort.

Caractéristiques du poème

La poésie de Victor Hugo privilégie l’utilisation de l’emphase pour diffuser un message aux lecteurs. De plus, l’écrivain s’adresse directement à ses lecteurs pour les impliquer dans le sujet. Les vocabulaires utilisés dans les œuvres sont basés autour des champs lexicaux de la guerre, misère ou l’injustice. De plus, les auteurs traduisent l’idée générale des œuvres grâce à quelques éléments. D’abord, le poète utilise de l’allégorie et de la métaphore. Ensuite, l’auteur défendra ses idées grâce à des arguments précis. Le poète peut par exemple utiliser des comparaisons. L’écrivain utilisera aussi la personnification dans ses poésies. Par ailleurs, l’écrivain privilégiera le registre pathétique et épique. Pour information, ces dernières traduisent les expressions des états d’âme et les émotions de l’auteur.

L’adjectif Lyrique vient du mot « lyre » qui désigne un instrument de musique à cordes d’origine grecque. Le poème lyrique, considéré souvent comme un genre littéraire noble, par opposition au poème épique ou dramatique, a trouvé ses origines dans la Grèce antique. Orphée, poète et musicien grec, chantait ses poésies avec une lyre. Il existe quelques genres de poèmes qu’on peut considérer de lyriques : l’ode, la chanson, la cantate, l’élégie, le dithyrambe et l’épithalame. Mais qu’est-ce qui distingue la poésie lyrique ?

Expression personnelle des sentiments

Un auteur lyrique exprime toujours ses émotions et ses sentiments de façon personnelle ou en son propre nom. Il se met sur le devant de la scène et écrit souvent à la première personne. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’on définit ce genre de poésie française de « poésie du je » dans le lyrisme romantique. Toutefois, l’emploi de la première personne « je » ou « moi » dans certains genres de poésie lyrique n’apparaît pas de façon évidente. Arthur Rimbaud poème figure parmi les premiers auteurs ayant insufflé ce mouvement artistique avec son œuvre « Je est un autre ».

Recherche constante de la musicalité

Une poésie lyrique est expressive, mélodieuse, rythmée et pleine de subjectivité. Cela permet de sublimer le contenu et de mieux faire passer le message. La recherche de la musicalité a rendu les œuvres de certains poètes célèbres plus populaires que jamais. Pour créer un texte lyrique, l’artiste doit avoir le sens du rythme. La musicalité de son œuvre se révèle à travers les rimes, les assonances, les allitérations, les répétitions, etc. Dans la poésie romantique comme dans d’autres genres de poésies lyriques, la musique tient une place importante.

Traitement de thèmes variés

Dans ses débuts, les poésies lyriques traitent surtout des thèmes existentiels et religieux, ce qui n’est plus le cas dans de nombreux œuvres poétiques contemporains. L’amour, la mort et la nature sont autant de thèmes qui passionnent les auteurs de nos jours. Les sujets touchant le romantisme, la mélancolie et la nostalgie continuent d’inspirer de nombreux poètes lyriques. Le lyrisme dans la poésie intéresse toujours les critiques lorsqu’un poème aborde un sujet relativement sensible comme la liberté d’expression ou la démocratie.

 


La poésie classique est le plus ancien des genres littéraires. C’est un art poétique qui est structuré par des règles précises visant à choisir des mots donnant de l’expressivité à la forme. Une forme qui peut être variée, et qui s’écrit généralement en vers. Les poèmes classiques sont caractérisés par plusieurs éléments.

Le vers et la strophe

Le nombre de syllabes est d’une haute importance dans un vers également appelé mètre. Ainsi, une versification syllabique en nombre pair (6, 8, 10, et 12) constituant une unité de sens sur une ligne est un vers.

La position des « e » compte beaucoup et permet de dissocier les syllabes. Les auteurs d’art poétique jouent aussi sur la longueur des voyelles pour l’expressivité. Dans ce jeu de voyelles, on distingue deux méthodes distinctes : la diérèse et la synérèse.

Les vers regroupés en groupe forment une strophe. Et les vers de chaque strophe se terminent par une rime. Une strophe peut contenir 2, 3, 4, 6 ou 10 vers.

Le rythme et la musicalité

Autrefois, une poésie était chantée, elle avait donc du rythme. L’enjambement qui consiste à jouer sur la longueur des phrases permet de produire des effets multiples tels que l’harmonie, la solennité, etc.

La musicalité d’un poème se construit sur différents points.

Les accents

La césure et l’accent flottant sont les deux principaux accents donnant aux poèmes toute leur beauté.

La rime

Il s’agit d’une répétition d’un son que l’on retrouve en fin de vers. Une rime peut être riche, pauvre ou suffisante. Il existe 3 types de rimes : les rimes suivies (AABB), les rimes croisées (ABAB), et les rimes embrassées (ABBA).

La sonorité

La résonance de sons contribue aussi à rythmer un poème. Les poètes utilisent souvent l’assonance et l’allitération.

Les formes poétiques

Les formes les plus courantes dites « formes fixes », datent du Moyen Age. Ce sont :

  • la ballade ;
  • le sonnet ;
  • le rondeau ;
  • et l’Ode.

À partir du XVIe siècle, des formes poétiques plus libres apparaissent.

La complexité du (e) muet en versification classique :

Dans la langue française, lorsque l’on parle couramment, il est évident que ce que l’on appelle le e muet n’a jamais l’occasion d’être prononcé. Il y a des dizaines d’exemples pour illustrer cette règle. Il est très rare d’entendre quelqu’un dire ‘Je vais’ à tel ou tel endroit, on entendra plutôt ‘j’vais’. Vous-même en lisant cet article vous ne prononcerez jamais les e muets. L’amuïssement, est le nom donné à cette chose que l’on fait tous sans se rendre compte en linguistique.

Il est possible que le e muet soit prononcé dans la poésie pour les graphies ‘e’ ‘es’ ou encore ‘ent’.

Une apocope, est ce que l’on désigne dans la versification classique comme étant un e muet que l’on ne comptabilise pas comme une syllabe en fin de vers.

 

On peut comptabiliser un e muet comme étant une syllabe dans un vers si :

  • Après un e muet, on trouve une voyelle.
  • Après un e muet, on trouve un h muet.

Par contre, le e n’est plus muet si :

  • On trouve une consonne après le e.
  • C’est un e graphié ‘ent’ ou ‘es’.

On utilise cette règle générale dans tous les cas.

Ils entendent pendant que d’autres dorment.

Ils / en/ ten / dent/  pen/ dant/ que /d’au/tres /dor/ ment.

 

 

Le premier e graphié ‘ent’ n’est pas muet car il est suivit par une consonne, le dernier l’est car rien ne le suit.

 

Une syncope est définie quand le e est élidé entre une consonne et une voyelle dans un mot. Comme dans cet exemple où le e muet ne se fera pas comptabiliser comme étant une consonne.

Je ne t’envierai plus à partir de maintenant.

poésie classique

La prose poétique

La prose est un genre littéraire différent du poème classique, car elle ne comporte pas de versification, de rimes. Elle est donc plus souple et plus libre. Par contre, la prose emploie des figures de style comme la métaphore, l’oxymore, la comparaison, etc.

Le poème de Baudelaire « Le vieux saltimbanque », est un exemple parfait de poème en prose.

Partout s’étalait, se répandait, s’ébaudissait le peuple en vacances. C’était une de ces solennités sur lesquelles, pendant un long temps, comptent les saltimbanques, les faiseurs de tours, les montreurs d’animaux et les boutiquiers ambulants, pour compenser les mauvais temps de l’année.
En ces jours-là il me semble que le peuple oublie tout, la douceur et le travail; il devient pareil aux enfants. Pour les petits c’est un jour de congé, c’est l’horreur de l’école renvoyée à vingt-quatre heures. Pour les grands c’est un armistice conclu avec les puissances malfaisantes de la vie, un répit dans la contention et la lutte universelles.
L’homme du monde lui-même et l’homme occupé de travaux spirituels échappent difficilement à l’influence de ce jubilé populaire. Ils absorbent, sans le vouloir, leur part de cette atmosphère d’insouciance. Pour moi, je ne manque jamais, en vrai Parisien, de passer la revue de toutes les baraques qui se pavanent à ces époques solennelles.
Elles se faisaient, en vérité, une concurrence formidable : elles piaillaient, beuglaient, hurlaient. C’était un mélange de cris, de détonations de cuivre et d’explosions de fusées. Les queues-rouges et les Jocrisses convulsaient les traits de leurs visages basanés, racornis par le vent, la pluie et le soleil ; ils lançaient, avec l’aplomb des comédiens sûrs de leurs effets, des bons mots et des plaisanteries d’un comique solide et lourd comme celui de Molière.

Les Hercules, fiers de l’énormité de leurs membres, sans front et sans crâne, comme les orangs-outangs, se prélassaient majestueusement sous les maillots lavés la veille pour la circonstance. Les danseuses, belles comme des fées ou des princesses, sautaient et cabriolaient sous le feu des lanternes qui remplissaient leurs jupes d’étincelles.
Tout n’était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte; les uns dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux. Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir quelque bâton de sucre, ou montaient sur les épaules de leurs pères pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu. Et partout circulait, dominant tous les parfums, une odeur de friture qui était comme l’encens de cette fête.
Au bout, à l’extrême bout de la rangée de baraques, comme si, honteux, il s’était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit, une ruine d’homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants et fumants, éclairaient trop bien encore la détresse.
Partout la joie, le gain, la débauche; partout la certitude du pain pour les lendemains; partout l’explosion frénétique de la vitalité. Ici la misère absolue, la misère affublée, pour comble d’horreur, de haillons comiques, où la nécessité, bien plus que l’art, avait introduit le contraste. Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie ni lamentable, il n’implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite.
Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumières, dont le flot mouvant s’arrêtait à quelques pas de sa répulsive misère ! Je sentis ma gorge serrée par la main terrible de l’hystérie, et il me sembla que mes regards étaient offusqués par ces larmes rebelles qui ne veulent pas tomber.
Que faire ? A quoi bon demander à l’infortuné quelle curiosité, quelle merveille il avait à montrer dans ces ténèbres puantes, derrière son rideau déchiqueté ? En vérité, je n’osais ; et, dût la raison de ma timidité vous faire rire, j’avouerai que je craignais de l’humilier. Enfin, je venais de me résoudre à déposer en passant quelque argent sur une de ses planches, espérant qu’il devinerait mon intention, quand un grand reflux de peuple, causé par je ne sais quel trouble, m’entraîna loin de lui.
Et, m’en retournant, obsédé par cette vision, je cherchai à analyser ma soudaine douleur, et je me dis : Je viens de voir l’image du vieil homme de lettres qui a survécu à la génération dont il fut le brillant amuseur ; du vieux poète sans amis, sans famille, sans enfants, dégradé par sa misère et par l’ingratitude publique, et dans la baraque de qui le monde oublieux ne veut plus entrer !